Hespul co-signe, aux côtés notamment du Réseau Cler, de l'association négaWatt et d'EnR pour tous, une tribune appelant à ne pas condamner sans nuances l'ensemble des parcs photovoltaïques au sol.
Lien pour signature disponible ICI.
Dans une tribune publiée dans Libération le 5 novembre, un collectif d’éminents scientifiques du climat – dont plusieurs auteurs du GIEC –, politiques, naturalistes et artistes, prennent position contre l’implantation de centrales photovoltaïques dans les espaces naturels et vont jusqu’à réclamer un moratoire qui s’appliquerait de fait à toutes les centrales au sol.
On ne peut que partager les constats alarmants qui sous-tendent le texte, à commencer par la nécessité de traiter au même niveau d’urgence la lutte contre les bouleversements climatiques et celle contre l’effondrement de la biodiversité, qui toutes les deux nous entraînent vers l’abîme. Elles sont les symptômes de la même crise écologique dans laquelle nos modes de vie basés sur l’extractivisme et l’accumulation de richesse nous entrainent chaque jour un peu plus.
L’association négaWatt a été la première à introduire la notion de sobriété dans le monde de l’énergie et à la mettre en évidence comme condition structurelle de premier ordre, avec l’efficacité, à toute stratégie visant la neutralité carbone. Nous ne pouvons donc que partager avec les signataires de la tribune le constat amer de son absence chronique dans les politiques publiques.
Pour autant, rien ne justifie une charge aussi violente, sans appel et sans nuances contre la filière photovoltaïque au sol : l’accuser de tous les maux en affirmant sans autre forme de procès qu’elle détruit la biodiversité découle d’une inquiétude certes légitime, mais très éloignée des réalités au regard des surfaces concernées et de la réversibilité intrinsèque de ces équipements qui ne nécessitent ni lourds terrassements ni coulages de béton.
Le chiffre de 150 000 hectares d’espaces naturels que l’hydre photovoltaïque projetterait de détruire ne correspond à aucun scénario prospectif sérieux : les 90 à 140 GW envisagés par l’ADEME dans son étude Transitions 2050 ne pouvant pas être réalisés intégralement en toiture ou sur ombrières pour de multiples raisons techniques, réglementaires et économiques, les parcs au sol, capables de produire une électricité particulièrement bon marché utile à notre économie et indispensable à la transition énergétique, représenteraient à cet horizon de 35 à 85 GW, soit 75 000 à 125 000 hectares occupés, 1 à 2 % des 7,5 millions d’hectares d’espaces naturels ou encore 0,1 à 0,2% du territoire de la France continentale.
Mais l’immense majorité de ce chiffre concernera des terrains dégradés ou des terrains agricoles sous forme d’agrivoltaïsme. Dès lors, la part résiduelle qui pourrait concerner des espaces naturels, quelques dizaines de milliers d’hectares tout au plus, à mettre en regard des 900 000 hectares dédiés aux biocarburants, bien moins efficaces pour la transition énergétique ou des 20 000 hectares urbanisés chaque année, artificialisés de manière irréversible. On est dans tous les cas de figure très loin des 150 000 ha évoqués,
Concernant ces derniers, rappelons que la loi APER de mars 2023 interdit tout défrichement pour des parcs photovoltaïques de plus de 25 hectares alors que c’est possible pour les routes et les golfs à l’utilité sociale douteuse. Plus largement, les garde-fous réglementaires sont là pour garantir qu’un parc photovoltaïque au sol ne détruira pas les milieux naturels, par exemple en imposant de fait l’utilisation de pieux battus ou vissés pour supporter les rangées de panneaux,
Ainsi, même si l’on doit s’alarmer du manque chronique de personnel dans les services de l’État pour instruire les dossiers comme le relève à juste titre le rapport du CNPN de juin 2024, ni la forêt française ni les espaces naturels ne sont menacés dans leur existence par le photovoltaïque.
Les auteurs de la tribune ne tiennent en outre aucun compte de l’amélioration continue des connaissances via des retours d’expériences et des travaux de recherche de plus en plus nombreux sur les liens, positifs et négatifs, entre photovoltaïque au sol (ou agrivoltaïsme) et biodiversité, y compris dans la perspective de l’adaptation au changement climatique que l’on sait désormais vitale à cause de notre incurie collective depuis des décennies que les scientifiques essaient de nous alerter.
Il est vrai que, entre les serres-alibis sous lesquelles rien n’a jamais poussé et les méga-centrales en milieu forestier initiés par pure opportunité foncière, la filière photovoltaïque a donné d’elle-même une image négative et ouvert la porte à bien des controverses.
Mais il n’est jamais trop tard pour apprendre de ses erreurs, dès lors que l’on accepte de de les reconnaître : c’est ce que semblent vouloir faire les représentants de la filière, le SER et Enerplan, en proposant explicitement au CNPN d’entamer une coopération durable […] en vue de partager les approches et les connaissances et développer des solutions concrètes.
Nous ne pouvons qu’appuyer cette démarche, d’autant plus qu’un parc au sol, bien conçu et bien géré, avec ses espaces ouverts, ses ombrages, ses clôtures et ses aménagements dédiés peut devenir un refuge pour des oiseaux, des insectes, des reptiles ou des batraciens.
Face aux lourdes menaces qui pèsent sur l’humanité dont elle est elle-même la cause, sachons unir nos sensibilités, nos énergies et nos connaissances dans le but de faire tout notre possible pour la sortir de l’ornière dans laquelle elle s’est elle-même piégée.
À l’heure où l’on peut craindre que le monde finisse de basculer dans ce que la compétition a de pire, sachons coopérer entre personnes de bonne volonté au service du maintien de la possibilité d’une vie décente sur terre.
Il y a vraiment urgence.
Premiers signataires :